Clorimanta Combemarmite

Année 1400 de la Comté. (3001 du comput des Rois)

Ce jour-là était clair et beau. La matinée était bien avancée, et le soleil continuait son ascension au dessus des collines des quartiers Sud de la Comté. Les légumes mûrissaient paresseusement sous les mains attentionnées de quelques agriculteurs venus soigner leurs parterres, alors que les fleurs exhalaient d’enivrantes fragrances tout au long des chemins et des routes.
Assise sur une terrasse des Grands Smials, Clorimanta écossait paisiblement ses haricots, suivant d’une oreille experte la chorale improvisée que donnaient les oiseaux autours d’elle.
D’un geste régulier et ancestral, devenu automatique au fil des ans, les graines étaient séparées de leur cosse, puis jetées dans une bassine d’eau que la vieille hobbit tenait entre ses pieds nus. Par une porte entrouverte s’échappaient les échos des cris et des rires des résidants allant et venant à travers le dédalle souterrain de couloirs et de pièces.
Depuis la cuisine toute proche provenait les odeurs des sauces, des viandes et des légumes en train de cuir, ainsi que les sons métalliques des casseroles, des poêles et les voix des cuisinières chassant les hobbits gourmands qui s’approchaient trop près de leurs plats.
D’ailleurs, des éclats de voix fusèrent bientôt, et la porte s’ouvrit sur quatre jeunes enfants, revenus bredouilles de leur expédition vers la cuisine.

_ Chasse gardée, mes lapins ! leur dit Clorimanta sans se retourner, un large sourire creusant un peu plus les sillons de ses rides. Le déjeuner sera bientôt prêt, vous pouvez bien attendre encore dix minutes !

_ Mais Tante Clo’, nous avons faim ! rétorqua le plus grand.

_ Allons donc, votre en-cas de onze heure n’était pas bon ? Venez donc vous asseoir, et je vous promets que vous aurez droit à un succulent dessert !

Sans se faire prier, ils s’installèrent à flanc de colline, les regards tournés vers le Vieux Saule. Autours d’eux, les résidents des grands Smials revenaient peu à peu vers le logis, se préparant à passer un énième repas, tous réunis autours de Paladin. Un des jeunes hobbits finit par briser le silence, se tournant vers Clorimanta, toujours occupée avec ses haricots.

_ Tante Clo’ ?

_ Mmh ? Ses yeux verts se levèrent et son regard chaleureux tomba sur le visage rond du petit bonhomme.

_ Pourquoi tu ne t’appelles pas Touque ?

_ Ma maman s’appelait Touque. Mais mon papa était un Combemarmite de Stock.

_ Alors tu n’as pas toujours vécu aux Grands Smials ?

Clorimanta attrapa un torchon à terre, et s’essuya un instant les mains. Le temps ne les avait pas dispensées de vieillir, et rides comme veines ressortaient fortement sur sa peau de pâle.

_ Oh non ! Je suis née aux Grands Smials, mais j’ai vécu quarante ans au bord du Brandevin, jusqu’à ce que papa casse sa pipe. Ensuite maman et moi nous avons tout vendu et nous sommes revenues ici…

Elle s’interrompit quand trois têtes familières sortirent des bois au sud. Elle distingua d’abord Merry et Pippin, qui portaient tous deux de grand paniers remplis de champignons, suivis de Frodon Sacquet, qui les suivait les mains dans les poches, souriant. Meriadoc Brandebouc et Peregrïn Touque étaient connus des résidents du coin.
Leurs plaisanteries, dont la plupart n'étaient rien d ‘autre que des bêtises, rendaient les hobbits méfiants à leur égard.
Les petits hobbits autours de Clorimanta se ruèrent sur eux, pendant que celle-ci se relevait doucement de son tabouret. Merry et Pippin se pressaient de grimper la colline, portant leurs paniers sur leur tête pour les mettre à l’abri de l’avidité des plus jeunes qui leur tournaient autours en un essaim compact.

_ Bonjour Tante Clo’ ! se contentèrent-ils de dire en lui embrassant chacun un joue, avant de disparaitre à l’intérieur, toujours suivis des enfants.
Plus bas, Frodon monta à son tour vers elle, et il l’embrassa lui aussi. Tous les enfants adoraient Clorimanta, et c’était de coutume d’embrasser la vieille hobbit sur une joue quand on la voyait. Elle-même n’ayant jamais eu d’enfants, elle s’occupait à merveille de ceux des autres, et les nourrissait plus que convenablement.

_ Frodon, mon garçon ! Voilà longtemps qu’on ne t’avait vu ici ! Comment va ce vieux fou de Bilbon ?

_ Il m’a dit d’aller saluer cette vieille folle de Clorimanta ! Et ils rirent tous deux à gorges déployées.

Si Bilbon était réputé pour avoir quitté la Comté pour partir loin, très loin (où exactement, les hobbits s’en moquaient), et pour être revenu riche, très riche, Clorimanta était connue pour être de ces hobbits baroudeurs de la Vieille Forêt. Lorsqu’elle vivait à Stock, il ne passait pas une semaine sans qu’elle ne disparaisse toute une journée là-bas, même plus, et revienne les mains dans les poches, sa cape déchirée et couverte de boue ou de poussière selon les saisons.
Ce qu’elle y faisait, elle ne le disait jamais, et quand on insistait, elle se contentait de répondre « Ce n’était qu’une petite balade ! ». Tous deux étaient bons amis, et ils étaient pour chacun un bon public lorsqu’ils se racontaient des histoires.
Frodon attrapa la bassine de la vieille cuisinière et ils rentrèrent tous deux, rejoignant la cuisine où les attendaient une forte odeur de plats préparés. Frodon s’immobilisa net devant un four où plusieurs tourtes finissaient de cuire.

_ Ah oui. J’ai fait des tourtes aux champignons pour ce midi. dit-elle innocemment à l’intention du jeune Sacquet.

Clorimanta, de notoriété publique, était une maitresse en préparation et en cuisson de tourtes salées, mais aussi en brassage de bières sucrées, qui faisaient de grands effets lors des dîners. A cette époque, la Comté se préparait à l’anniversaire de Bilbon et Frodon et, pour l’occasion, elle avait reçu une formidable commande de bières aromatisées aux fruits ou au miel.
D’ailleurs, le transport de tout ces tonneaux jusqu’à la Colline avait embouteillé la cour des Grands Smials toute une journée, provoquant la colère du Thain qui n’appréciait pas du tout ce grabuge devant la grande porte de sa maison. Fort heureusement, il pardonna volontiers lorsque Clorimanta lui annonça qu’il y avait quelques tonneaux supplémentaires pour sa réserve, et l’incident fut totalement oublié dès la première chope vidée.

Clorimanta et les autres cuisinières prirent chacune un plat, et se dirigèrent vers la salle à manger, précédées de Frodon. Le bruit de la multitude de hobbits qui attendaient là d’être nourris grandissait à mesure qu’ils s’avançaient à travers le couloir. Une grande exclamation accueillit leur entrée. Clorimanta disposa ses plats le long de la table, avant de s’asseoir à son tour et de manger goulument. Vers la fin du repas, elle improvisa un petit duo avec un jeune hobbit, elle à la flûte et lui au luth.

Enfin, quand les pichets furent vidés et les plats nettoyés de leur contenu, les hobbits rassasiés retournèrent à leurs travaux, jeux ou siestes selon les âges et les métiers. Clorimanta laissa la vaisselle à d’autres et, envieuse de vagabonder, marcha tout le reste de la journée à travers les Collines Vertes, avant de s’en retourner à Bourg-de-Touque. Elle aimait la Comté, et elle aimait s’y promener, mais il arrivait souvent que son esprit s’égare sur de lointains chemins jamais foulés de pieds de hobbits (si ce n’était Bilbon), et elle continuait à marcher sur les sentiers, chantonnant gaiement sous les frondaisons, retardant toujours plus longtemps le moment où elle devrait s’en retourner à son logis.




Chronologie (selon le comput des Rois) :

_ 1601 : Les frères pâles Marchon et Blancon traversent le Baranduin (Brandevin) et s’établissent sur les terres à l’ouest. Création de la Comté ( An 1 du comput de la Comté).
_ 2890 : Naissance de Bilbon Sacquet ( An 1289).
_ 2936 : Naissance de Clorimanta Combemarmite à Bourg-de-Touque ( An 1335)
_ 2938 : Les Combemarmite quittent les grands Smials et installent un restaurant à Stock. (An 1337)
_ 2941-2942 : « Bilbon le Hobbit » ( An 1340-1341)
_ 2949 : Clorimanta se perd pour la première fois dans la Vieille Forêt. Elle reviendra d’elle-même à Châteaubouc au bout d’une semaine, en pleine santé ( An 1348).
_ 2953 : Clorimanta rencontre Reldin, un barde elfe, sur les hauteurs des Collines Vertes. Il lui apprendra la musique et le chant. ( An 1352)
_ 2963 : Clorimanta gagne le grand concours culinaire du quartier Est. ( An 1362)
_ 2968 : Naissance de Frodon Sacquet. ( An 1367)
_ 2969 : Le père de Clorimanta, Athravin Combemarmite lui laisse la tête du restaurant, date de sa majorité. ( An 1368)
_2975 : Le père de Clorimanta décède. ( An 1374)
_ 2976 : Clorimanta et sa mère Lodalia vendent le restaurant et retournent aux Grands Smials, dans la famille de Lodalia.
_ 2978 : mort de Lodalia Combemarmite, née Touque ( An 1377)
_ 3001 : L’anniversaire de Bilbon. Clorimanta fait partie des 144 invités (une grosse) présents au souper familial, et voit disparaitre sous ses yeux Bilbon. ( An 1400)
_ 3005 : Clorimanta quitte les Grands Smials et s’installe à son compte. Elle commence à franchir les frontières et voyage de plus en plus régulièrement vers Bree. (An 1404)
_ 3018 : « Le Seigneur des Anneaux », formation de la Communauté de l’Anneau. Clorimanta rejoint les Peuples Libres face à l’activité maléfique grandissante de l’Angmar. Elle a alors atteint l'âge respectable de 82 ans (An 1417).

An 1417 de la Comté (3018 du IIIe Âge).

La petite Clémentine Boffin s’amusait à tenir en équilibre sur un muret. Elle était à un âge où les jeunes hobbits aiment se faire de petites frayeurs, avant de s’assagir avec le temps.
Retombant sur la route, elle observa un instant le soleil. L’après-midi était déjà bien avancée, et on l’attendait ! Elle se remit en route et arriva bientôt au pied d’un chêne immense, et elle en fit une fois le tour en sautillant avant de prendre un chemin de terre qui conduisait près de la cascade. Là, ancré à flanc de montagne, se situait le domicile de Clorimanta, le 5 Cour des Myrtes, avec son joli petit jardin tout en fleur, niché à sur la falaise.
Clémentine aimait bien cet endroit. On y voyait tout le village jusqu’aux haies du Nord, mais elle ne prit pas le temps d’admirer la vue. Elle essuya distraitement ses petits pieds avant de s’engouffrer sans frapper dans la petite maison.

_ Tante Clo’ ? Me Voilà !

La vieille hobbit fumait, face à l’âtre de sa cheminée, d’où crépitait un feu joyeux. L’été s’approchait et il faisait plus que bon et chaud, mais Clorimanta aimait admirer la danse des flammes sur une buche bien sèche. Cette fois, pourtant, elle ne put rester rêveuse bien longtemps, et elle émergea rapidement lorsque la porte fut ouverte.

_ Ah, Clémentine ! Petite Boffin ! Nous serons quatre à dîner ici ce soir ! Tes parents et ton frère Albertain. Aussi nous allons faire ensemble une Tourte à la Viande, comme je te l’ai montrée la dernière fois.

La petite hobbit battit des mains alors qu’elle se précipitait déjà sur la table, s’attendant à ce que son aînée ait déjà tout préparé, mais il n’y avait rien d’autre qu’une bassine d’eau.

_ Avant tout, lavons-nous les mains ! C’est une tourte à la Viande, que nous faisons ! Pas à la boue et aux insectes !

Après les ablutions de rigueur, Clorimanta dirigea la petite hobbit devant son cellier.

_ Je vais te donner la liste des ingrédients, et tu vas les sortir un par un.

La petite s’avança devant les grandes étagères bondées comme si elle allait se préparer à réciter devant toute une foule de hobbits. En vérité, Clorimanta avant placé tout ce qui leur était nécessaire à son niveau, et avait préparé une grande partie des ingrédients avant l’arrivée de Clémentine. Il n’y avait plus qu’à, comme elle disait.

_ Alors tu es prête ? Dans un bol, il y a 400 grammes de steak que j’ai déjà haché. Un gros oignon, 2 tomates, le morceau de gruyère que tu vois là (200 grammes), les deux pâtes feuilletées qui sont à ta gauche, et enfin ramène-moi un sachet de sel et un de poivre. Là, tu vois que ce n’était pas difficile !

Clorimanta se dirigea vers un autre placard et en sortit plusieurs couteaux, bols et cuillères, qu’elle rapporta sur la table, auprès des ingrédients qui s’alignaient maintenant.
Elle tendit une tomate et un couteau à sa jeune élève, et ils se chargèrent toutes deux de couper en quartiers fins les tomates et les oignons, avant de les jeter dans le bol de viande. Clémentine mélangea le tout avec enthousiasme, salant et poivrant consciencieusement, tandis que la vieille Tante Clo’ étalait soigneusement une première pâte feuilletée sur un plat.
La petite Clémentine étala la garniture sur toute la pâte, tirant la langue de s’appliquer autant, et Clorimanta râpa le gruyère qu’elle parsema ensuite au dessus de la préparation. Elles recouvrirent le tout de la seconde pâte feuilletée, collant soigneusement les bords des deux pâtes. Clorimanta chantonnait alors qu’elle s’approchait alors de la tourte presque achevée, munie d’un couteau. D’un geste vif, elle fit une croix en son milieu, puis elles allèrent porter leur chef d’œuvre au four.

Bientôt, toute la maison fut pleine d’une douce odeur de viande chaude, prête à être mangée, et Clorimanta sortit de son four une délicieuse tourte au dessus bruni.




[HRP] Vous l’aurez compris, c’est une vraie recette, et surtout elle est très simple à faire ! Alors si un jour vous voulez mangez « à la hobbit », revoici la recette :

Tourte à la Viande (pour 4 personnes).

Ingrédients :

- 4 steaks hachés de 100g.
- 1 gros oignon.
- 2 tomates.
- 200 g de gruyère râpé.
- 2 rouleaux de pâtes feuilletées.
- Sel et poivre.

Préparation :

1 : Préchauffez le four à 200°C.

2 : Coupez en fins quartiers les tomates et l'oignon, et incorporer le steak haché en pétrissant avec les mains. Salez, poivrez. (A l’origine, il fallait couper grossièrement les tomates et l’oignon, mais c’est bien moins simple à répartir dans la préparation.)

3 : Etalez une pâte feuilletée dans un plat. Répartissez la préparation. Recouvrez de gruyère râpé puis de la seconde pâte feuilletée en collant bien les bords à la première.

4 : Faire une croix au milieu de la tourte, pour laisser respirer pendant la cuisson. ( Ne pas couper trop profond, juste de quoi percer la première pâte.)

5 : Mettre au four et sortez-la quand le dessus commence à brunir et que la pâte se décolle des bords. (Oui alors je ne saurai pas trop vous dire combien de temps ça prend. Je chronomètrerai la prochaine fois ! L’important, c’est que ce soit bien cuit, voir même trop que pas assez, car sinon la pâte du dessous reste molle.)


Et voilà ! Une recette toute simple pour les gourmands ! Ça m’a donné des idées, je vais faire une sorte de livre de recettes de hobbit !

Et bon appétit bien sûr ! [/HRP]