Althran, Capitaine du Nord
Education et départ
La nuit était glacée et le vent hurlait au dehors, accompagné par les cris plaintifs de créatures. Encastrée dans une caverne, la construction qui se voulait être une maison résistait peu aux chutes de neiges et aux agressions violentes du souffle de Manwë.
A l'intérieur, les dernières lueurs du feu presque éteint dans l'âtre de la cheminée éclairaient à moitié les quelques meubles constituant la pièce, et renvoyaient sur les murs des ombres dansantes. Dans deux paillaisses, l'une à côté de l'autre, dormaient deux individus. Le premier était un homme d'âge mûr, tourné dos aux flammes, de telle façon qu'on ne pouvait pas distinguer grand chose de ses traits. Et le second, presque entièrement caché par sa couverture, était un jeune homme d'environ une quinzaine d'années.
Après quelques heures, le jour se leva enfin sur les régions froides du Nord. Levé avant l'adulte, le jeune garçon partit faire les exercices que lui avait enseigné son père. Armé d'une épée batarde grossière, il fendait l'air en répétant des figures et des coups qui avaient pour but de tuer rapidement en un seul geste, permettant d'aligner vitesse et économie d'énergie dans les mêmes techniques.
Quelques temps après, son père sortit.
- Althran, arrête tes exercices un instant, et viens me voir, j'ai à te parler.
- Bien.
Emboitant le pas à son père, Althran entra dans la maison, et les deux allèrent s'asseoir à l'unique table de la petite pièce.
- Bon. Althran, comme tu le sais, j'ai eu une longue vie, mais l'âge commence à me rattraper. Je ne suis plus aussi vaillant qu'autrefois, et bientôt, tu devras te débrouiller seul. Alors aujourd'hui, il faut que tu saches quelques détails que je t'avaient cachés jusque là. Je n'ai pu te parler ni de ta mère, ni de mon passé, mon garçon...
L'homme prit quelques instants pour se ressaisir, des larmes commencant à emplir ses yeux.
- Car tout n'est pas glorieux, et la honte et la tristesse m'envahissent en y pensant, Althran. Je ne puis t'en parler directement, alors je veux que tu fasses quelque chose. Quand je ne serai plus, tu ira prendre un livre. Il est dans l'armoire, au fond, et la clé pend à mon coup en ce moment même.
- Je... Je ferai ça, papa.
- C'est bien mon garçon. Te rappelles-tu les techniques de chasse que je t'avais apprises ?
- La pose de pièges ?
- Oui. Je veux que tu ailles voir si il y a quelques choses dans ceux que l'on a mis en place la dernière fois, nous n'avons plus grand chose et la nourriture va commencer à manquer.
- J'y vais !
Se levant, Althran enfila une vieille cape usée et sortit de la maison. Traversant rapidement les plaines qui bordaient la montagne, il arriva au niveau des premiers arbres de la forêt où, une semaine avant, son père et lui avaient posé des pièges, l'homme en profitant pour lui apprendre les rudiments de la chasse.
Le premier piège était vide, et les traces du passage d'animaux contournaient habilement l'emplacement du trou recouvert par des branchages. Le second, une cage avec un morceau de viande à l'intérieur, avait été écrasé par la chute des branches d'un arbre. Sans se décourager, Althran partit à la recherche d'un autre piège quand il vit, au loin, par dessus les arbres, s'envoler une multitude d'oiseaux. Il reconnut les hendrovals qui prenaient habituellement place dans les creux de la montagne. La peur le saisit, ces oiseaux ne quittaient leur nid qu'en cas d'extrème urgence, et ne le faisaient jamais tous ensemble.
Renoncant aux pièges, il courut à travers le bois. Celui-ci semblait ne pas vouloir le laisser passer, les branches lui tailladaient le visage, les buissons et racines l'entravaient et des amas de neiges le faisaient parfois chuter. Se relevant sans cesse, le jeune garçon ne cessa de courir et, après ce qui lui parut une éternité, il sortit enfin de la forêt. L'espace qui le séparait à présent de sa maison n'était plus très grand. Alors il sprinta et arriva enfin chez lui. De nombreuses empreintes de pas étaient visibles dans la neige qui s'était transformée en boue. La porte était défoncée, rapidement, il entra. Le feu était éteint, des objets jonchaient le sol, les meubles étaient cassés. Et son père gisait à terre. Une large flaque d'un liquide rouge qu'il n'avait vu auparavent que sur les animaux s'étalait sous le corp inanimé de l'homme. Althran ne parvenait pas à comprendre ce qui se passait. Il s'approcha et retourna son père. Une large entaille lui traversait le torse. Le jeune homme commenca à pleurer quand son père ouvrit les yeux.
- Mon fils... Mon fils, la clé... La clé, prend la clé... Althran, Althran, il faut... Il faut que tu... Il faut que tu fasse... Que tu fasse ce que je n'ai pas su faire... Il faut... Il faut... Le phénix... Prends le phénix.... Althran, je...
L'homme, dans un geste tremblant, porta la main à son cou, et détacha la clé ainsi qu'un pendentif représentant un oiseau qu'Althran n'avait jamais vu.
- Mon fils... N'échoue pas...
Blanc comme un linge, le père du garçon déposa les objets dans le creux de la main du jeune homme, et ferma les yeux. Ses traits se détendirent, alors qu'une larme glissait lentement sur sa joue.
Subjugué par l'incompréhension, Althran restait immobile, trop de choses se passaient en même temps, et il ne parvenait pas à garder ses idées claires. Puis, il se leva et dans une lenteur presque fantomatique, il glissa jusqu'à l'armoire qu'il ouvrit. Il y avait une armure noire, une épée batarde de qualité, et un livre. Alors il entreprit de plier tout ça, avec le peu de nourriture qu'il restait, dans ce qui lui servirait de couchage, et il sortit. Il se rappela ce que son père lui avait dit, qu'il voulait, à sa mort, que le jeune homme mit le feu à la maison. Althran exécuta les ordres qu'il avait reçus, longtemps auparavent, et partit en marchant dans le froid, avançant droit devant lui, ne sachant que faire d'autre.
Sujet: Althran, un Capitaine au Nord 
